La cabale

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Reprise de Charlotte Corday

Suite au triomphe de Charlotte Corday, une reprise est envisagée et l’opéra devait être à nouveau représenté deux fois à Caen, début avril 1938. Les dates avaient été fixées et les interprètes engagés. Mais l’œuvre est soudainement retirée de l’affiche, et le public invité à se faire rembourser. La raison invoquée est la « maladie » du chef d’orchestre Schuyer. Les chanteurs ne croyant pas ce motif plausible, se mobilisent, et protestent d’autant plus vigoureusement que la maladie d’un chef ne donne pas lieu à résiliation d’un contrat. Marthe Nespoulous et Andrée Bernadet ont d’ailleurs trouvé un remplaçant en la personne de M. Cohen, chef d’orchestre de l’Opéra Comique et des enregistrements Colombia, qui accepte de diriger Charlotte Corday. Cependant, Jean Tiberty, lui qui avait tant œuvré pour la création de l’opéra, refuse désormais tout arrangement. Andrée Bernadet se rend au domicile du chef d’orchestre Schuyer, et découvre alors une mise en scène digne d’un vaudeville : Schuyer qui était en train de donner une leçon à une élève, se met précipitamment dans son lit pour recevoir la chanteuse, laquelle tirant les couvertures, le découvre habillé… (cf. lettre n°27 de Marthe Nespoulous et Paul Cabanel du 2 avril 1938, et lettre n°28 de Maurice-Charles Renard du 5 avril 1938). Jean Tiberty s’obstinera toujours résolument, et les représentations n’auront pas lieu.

D’autres projets sont également en cours. Des représentations havraises et rouennaises sont déjà annoncées dans la presse régionale. Germaine Pape est retenue pour tenir le rôle de Charlotte Corday. L’Opéra de Prague espère également mettre l’œuvre à l’affiche. Mais rien ne se réalisera.

Plus tard en 1939 à Paris, la partition de l’œuvre est présentée à l’Opéra Comique. Léon Manière reçoit une réponse d’Henri Büsser qui en est alors le directeur. Celui-ci rejette l’œuvre. La raison ? Parmi les ouvrages que ce dernier a retenus pour l’avenir, figure justement une Charlotte Corday du compositeur Alexandre Georges (cf. lettre n°36 d’Henry Büsser du 22 juillet 1939).
Près de deux ans plus tôt, au moment de la création de l’ouvrage paraissait dans L’Echo de Paris du 9 décembre 1937, un encart ainsi rédigé :
« Nous avons lu quelque part que le Théâtre de Caen allait donner sa première représentation de Charlotte Corday, livret de M.-Ch. Renard, musique de M. L. Manière.
A-t-on oublié qu’il existe une Charlotte Corday, opéra en trois actes, un prologue et cinq tableaux ? Le livret était d’Armand Silvestre et la musique d’un compositeur modeste et de beaucoup de talent, Alexandre Georges dont tout le monde connaît les chansons de « Miarka, la fille à l’ourse », d’après Jean Richepin.
La première a eu lieu à l’Opéra Populaire, le 16 février 1901. Le chef d’orchestre était Henri Büsser. Georgette Leblanc tenait le rôle de Charlotte Corday, Emile Cazeneuve, celui de Barbaroux et Dangès de l’Opéra, celui de Marat.
C’était une très belle œuvre et très dramatique, qu’il serait intéressant de reprendre à l’heure actuelle. »

Par la suite, après le Guerre, alors que le Grand Théâtre de Caen a disparu sous les bombes avec tous les décors, Henri Büsser déclarera à Léon Manière avoir été à l’origine de la cabale anéantissant Charlotte.
Ainsi, le vœu que Maurice-Charles Renard avait formulé lors de la présentation de l’ouvrage au public, le soir de la création, ne sera pas exaucé.

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